Élèves agités ? Méditez !

 

Écoutant ce matin sur France Culture une excellente émission intitulée « Sexe, hypnose, méditation: peut-on percer les mystères de la conscience ? », je me suis rappelé que j’avais une petite astuce pédagogique à vous proposer. Je vous préviens tout de suite, c’est pas un scoop, de nombreux collègues utilisent cette méthode. Je vous propose juste un témoignage.

Commençons par le commencement :

Le problème.

Le problème que j’ai (et que je crois, tous les enseignants ont) est de mobiliser l’attention d’un groupe de jeunes adolescents pour leur proposer une séance de cours efficace. C’est toujours une sorte d’exploit quand on y arrive. Et quand, cerise sur le gâteau, la séance de cours se déroule à des moments où leur horloge biologique n’est pas vraiment en phase avec les apprentissages, les choses peuvent tourner à la catastrophe.

Si je vous parle d’une classe de sixième qui se présente pour un cours de fin de journée, après deux heures d’EPS et une courte récréation, tous les collègues de collège voient très bien à quoi ça peut ressembler. Pour les autres, je vous raconte. Les élèves arrivent super-excités, chahutent dans le couloir, s’installent dans un brouhaha incroyable, sont agités, inattentifs ou alors fatigués et éteints. Il est rare que l’heure se passe sans que vous n’ayez à élever la voix et/ou à punir un bon tiers de la classe. Et puis, pour l’enseignant aussi c’est la fin de journée et la fatigue n’aide pas à la bonne gestion du groupe. Pour moi cette année, cette heure-là était la dernière d’une journée de sept heures de cours.
Bref. Soit je me résignais à perdre cette heure de cours entre énervement mutuel et sanctions, soit je cherchais une solution.

Une piste

Si vous me connaissez un peu, vous savez que je suis toujours preneuse de bonnes idées pour améliorer mon enseignement et après avoir longtemps hésité et lu beaucoup de choses*, j’ai utilisé ce qu’on appelle la « méditation de pleine conscience » avec ces élèves et j’ai vraiment été impressionnée par les résultats obtenus.

Au premier abord, rien que l’intitulé (« méditation de pleine conscience ») aurait tendance à me faire fuir en courant. Mais comme je suis pragmatique et que je voyais de plus en plus de gens évoquer l’utilisation et les bienfaits de l’utilisation de cette technique en classe, j’ai fini par me lancer dans cette affaire.

Je me suis procuré l’ouvrage d’Eline Snel, destiné aux jeunes enfants (5 à 12 ans), qui s’intitule « Calme et attentif comme une grenouille »**. Eline Snel est une psychothérapeute belge auteur de nombreux ouvrages qui permettent de pratiquer chez soi la méditation de pleine conscience, une méthode élaborée par Jon Kabat-Zinn***.

 

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J’ai commencé par faire moi même les exercices, pour les comprendre. Non seulement la mise en œuvre est très simple grâce au CD inclus dans le livre****, mais c’est chouette comme tout à faire. Je me sentais prête à essayer avec les élèves et pour la première fois de l’année, j’ai attendu avec impatience cette dernière séance du vendredi.

Tester

Tout a commencé comme d’habitude : chahuts, agitation, bavardages, bruit… J’ai annoncé aux élèves que la séance du jour allait commencer par quelque chose de spécial que j’avais envie d’essayer avec eux s’ils voulaient bien. La nouveauté les intrigue toujours, ils étaient prêts à essayer.

Nous avons fait trois exercices. Trois. Ça a duré exactement 10 minutes.
En 10 minutes, les élèves étaient transformés.
Je vous jure. J’en étais époustouflée moi même.
Pour cette première fois, 85 % des élèves ont fait les exercices avec un sérieux remarquable. Les 15 % autres ont eu plus de mal. Il y a eu quelques ricanements, quelques regards en coins entre copains…. Mais cela n’a pas gêné les autres. Malgré cela, en 10 minutes, j’avais devant moi des élèves calmes et attentifs, prêts à travailler. Et pour la première fois de l’année, on a vraiment travaillé, dans le calme pendant cette dernière heure de la semaine.

Du coup, j’avais hâte de recommencer : un comble, j’attendais avec encore plus d’impatience ce cours-là !

La semaine suivante, en arrivant en classe, les élèves m’ont demandé de refaire l’exercice. Et cette fois, presque tous les élèves ont « joué le jeu ». Le seul réfractaire n’arrivait pas à entrer dans les exercices mais il n’a pas gêné ses camarades.

Du coup, je me suis dit que je pouvais utiliser ces exercices à chaque fois que je sentais devant moi un groupe d’élève agité, déconcentré. Plutôt que d’élever la voix et de punir, méditer.

Et l’effet était toujours le même, quelque soit le niveau de classe : 6e, 5e, 4e…
Et plus on faisait les exercices, plus leur efficacité augmentait.

Plusieurs élèves sont venu me demander de leur prêter le livre pour faire des exercices à la maison.

Le gros avantage de cette technique, c’est qu’une fois qu’on connaît les exercices, on peut les refaire quand on veut. Quand un élève est trop déconcentré/énervé pour travailler, je lui propose de prendre quelques minutes et de refaire l’exercice de son choix tout en restant à sa place. Souvent je n’ai même pas besoin de l’aider à le faire, il y arrive très bien tout seul et les autres comprennent et respectent son « absence » temporaire. Que d’énergie économisée !

Ce qu’on a à perdre

Vous allez me dire : « Mais si on est obligé de « perdre » dix minutes à chaque début de cours, on n’aura jamais fini le programme ! »

Effectivement. On « perd » quelques minutes de cours. Mais faites la comparaison avec le temps que vous allez « perdre » en engueulades, mots sur le carnet de correspondance, punition à donner et à vérifier, déplacements d’élèves bavards….
Alors, oui, je veux bien échanger un cours de 55 minutes qui ressemble à un combat de boxe contre un cours de 45 minutes réellement efficace qui me permet ensuite de ne plus perdre de temps.

Je sais qu’en cet été de pré-réforme, nous avons tous beaucoup de travail et beaucoup de choses à préparer, mais cette technique ne demande pas réellement de temps de préparation et le rapport investissement/résultat est incroyablement positif.

Essayez, vous me direz !

 

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* Merci à Jeanne Siaud-Faccin que je suis depuis longtemps sur Facebook et qui a été la première à me mettre la puce à l’oreille à ce sujet.

** À voir sur le site de l’éditeur.

*** La page Wikipédia consacrée à Jon Kabat-Zinn.

*** Vous en trouverez un extrait en ligne à cette adresse.

2 Commentaires

Classé dans pédagogie, récit

2 réponses à “Élèves agités ? Méditez !

  1. Merci pour cette « astuce ». Rien de plus utile en effet que d’apprendre à gérer ses états cognitifs et émotifs à l’école. Nous serions bien inspirés de développer de telles approches. Nous (Tergar Lyon) travaillons sur un curriculum laïque adapté des enseignements de Yongey Mingyour Rinpotché. Il évoque souvent une image qui peut parler aux enfants qui est celle du singe de l’esprit (« Monkey mind ») : https://www.youtube.com/watch?v=nOJTbWC-ULc
    Pour ceux qui veulent en savoir plus et avoir plein d’idées de supports de méditation, son livre est extraordinaire : https://www.amazon.fr/Bonheur-m%C3%A9ditation-Yongey-Mingyour-Rinpotch%C3%A9/dp/2253084948.

    Bravo en tout cas d’avoir osé essayer.
    Pascal

  2. Lecture très intéressante – je vais commander le livre et tester ! Merci !

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