Aujourd’hui, j’ai fait faire aux élèves un truc super banal.
Enfin, banal quand on est prof d’histoire-géo, hein.
La plupart des gens normaux ne font pas ça d’habitude.
Je vous laisse juge…
Aujourd’hui, mes élèves ont fait de la géographie : ils ont classé des pays selon la taille de leur population, ils ont fait une carte pour localiser ces pays, ils ont répondu à des questions portant sur un texte et ils ont fait des schémas logiques en utilisant des mots-clé.
Vous trouvez ça sexy vous ? Non, vous avez raison. C’est pas sexy du tout !
Sauf que quand la sonnerie annonçant la récréation a sonné, aucun d’eux n’a bougé.
Enfin au début, je vous rassure, ce sont des élèves.
Pas des huitres.
Ils ont fini par partir.
Ils ont donc fait des exercices d’une banalité sans nom, mais ils ne s’en sont même pas rendu compte parce que je leur ai enveloppé le tout dans un paquet-cadeau auquel ils n’ont pas pu résister.
Je les ai obligé à se mettre en groupe de 4 que j’ai déterminé. Ça a grogné un peu parce que Manfred voulait pas être avec Jessica…
Je leur ai annoncé qu’ils allaient avoir un rôle à jouer dans leur groupe (ça a arrêté d’un coup les grognements). Le greffier noterait tout et c’est son cahier que je ramasserai pour évaluer le travail. L’émissaire pourrait aller chercher des infos et des documents dans les bouquins à disposition ou venir me demander de l’aide. Le gardien veillerait au respect du temps et du niveau sonore de son groupe. L’espion pourrait aller voir ce qui se tramait dans les autres groupes.
Je leur ai donné des petites fiches pour matérialiser leurs rôles et ils se les sont attribués.
Je leur ai ensuite déposé sur une table 5 paquets d’enveloppes (en fait des feuilles de brouillon agrafées) sur lesquelles était indiqué « Mission n°1 », « Mission n°2 », etc. et j’ai noté au tableau les liens entre les différentes missions : pour faire la mission n° 3 il faudra avoir fait la mission n°4 avant par exemple.
J’ai demandé aux émissaires de venir chercher la mission de leur choix.
J’ai lancé le chrono.
Et je les ai regardé travailler pendant une heure trente.
…
Ils ont tous réussi à faire tous les exercices.
Tous.
Même Kévin qui n’a jamais son cahier (sauf les jours impairs de pleine lune).
Même Jessica qui n’aime rien tant que de glousser avec ses copines pendant la plupart des cours.
En prime, j’ai levé pas mal de loups, d’incompréhensions….
Parce qu’il faut pouvoir prendre le temps de comprendre ce qui se passe dans leurs têtes au lieu de les voir comme « des gamins qui ne travaillent jamais, qui n’apprennent jamais une leçon et qui sont complètement incapables de comprendre ce que l’on attend d’eux, et dont on se contente d’attendre qu’ils sauvent les apparences, qu’ils fassent semblant d’agir en élèves. » (je n’ai rien inventé de ce qui est entre guillemets). Mais que ça demande de prendre du temps. De venir s’asseoir avec un groupe et de discuter avec eux pour écouter leurs mots, leurs raisonnements, les chemins détournés de leurs pensées.
Quand la totalité de la classe est au boulot, on peut prendre le temps de le faire.
En fait, ma séquence d’aujourd’hui mettait en œuvre quelque chose que Ryan et Deci ont défini comme les clés de la motivation. Pour qu’un élève soit motivé, il faut satisfaire trois besoins essentiels : son besoin d’autonomie, son besoin de compétence et son besoin de proximité sociale.
On a vraiment besoin d’aller voir du côté de la recherche !
Voila. C’était un chouette moment d’enseignement, et j’avais envie de le partager.
Ah, j’oubliais : comme d’habitude le travail n’était pas noté.
Bonne semaine !
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NB : Si une coquille s’était glissée malencontreusement dans ce texte, n’hésitez pas à me le faire remarquer gentiment ! Nobody’s perfect !
Un beau témoignage qui nous montre que le goût de l’apprentissage passe par la bonne méthode. C’est tellement plus facile quand on donne un rôle à l’apprenant, il s’implique et le savoir prend vie. Nice !
Merci beaucoup pour ces petits retours enrichissant.
A reblogué ceci sur Macchiatto Café.
J’ai découvert votre blog par l’intermédiaire de Twitter. Je trouve votre témoignage emblématique du changement de posture qui se profile dans notre métier pour ceux d’entre nous qui ne se mettent pas d’œillères! Un prof, digne de ce nom d’après moi, se doit d’évoluer, de faire évoluer ses pratiques. Bien sûr, il n’y a pas de recette miracle mais quand certaines marchent, on ne peut que remercier des pros comme vous qui les faites partager!