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On apprend aussi en jouant

C’est une idée qui me trottait dans la tête depuis un moment. Elle n’a rien d’une idée neuve, surtout pour une vielle rôliste comme moi. Mais comme toujours, j’ai tellement d’idées de choses à faire que je finis souvent comme l’âne de Buridan, par ne rien faire du tout. Manque de temps pour faire les choses comme j’aimerais les faire, pour fabriquer les supports, pour réfléchir vraiment à la mise en œuvre…
Parfois il m’arrive quand même de passer le pas. Avec une idée vague de ce que je veux faire, et un minimum de préparation. En gros c’est comme monter tout en haut du plongeoir et de sauter. « On verra bien ».

Maintenant ou jamais

Il y avait en effet longtemps que j’avais envie de faire une version « jeu de rôle » de la Révolution française. L’idée était restée là, bien au chaud. Pas moyen de trouver la façon de mettre ça en œuvre. Et puis allez savoir pourquoi, un jour ça m’a pris. J’ai commencé par aller sur le site de l’Assemblée nationale qui a la gentillesse de nous donner une petite biographie de tous les hommes (et de toutes les femmes aussi je suppose, mais pour la période étudiée, la question ne se posait même pas) qui ont participé à toutes les assemblées depuis 1789*. Mon idée était de trouver des membres de la Constituante « locaux » et d’en attribuer un à chaque élève. Pour simplifier les choses (oui, des fois, il faut un peu simplifier pour gamifier…) j’ai choisi 10 représentants du Tiers-État, 5 de la noblesse et 5 du clergé. Et comme c’est moi le maître du jeu, j’ai triché encore un peu en incluant deux députés parisiens parce que je savais que j’allais en avoir besoin : Bailli (premier président de la Constituante) et Guillotin (parce que… bein vous imaginez bien pourquoi !) J’ai aussi triché en essayant de faire un mix représentatif entre les monarchistes acharnés, les partisans de la monarchie parlementaire et j’ai même trouvé quelques francs révolutionnaires. J’ai fait de jolies fiches A5 avec leur nom complet, leur portrait (sauf pour un ou deux, je n’ai rien trouvé) et leur biographie. Pour aider les élèves, je leur ai rajouté un but. Et hop, dans la plastifieuse. C’était long mais le résultat avait de la gueule.

Entrée en classe

À la suite du cours sur les difficultés du règne de Louis XVI, j’attendais les élèves devant la porte de la classe. Il ne vous aura pas échappé qu’avec 20 personnages, j’avais plus d’élèves que de personnages. C’est que j’avais besoin de « journalistes » pour faire les comptes-rendus. Avant de rentrer, j’ai donc annoncé que j’avais besoin de 20 personnages et de 5 journalistes. Les journalistes sont entrés et se sont installés à une table (enfin un îlot), au fond. Une des journalistes a reçu une fiche et s’appelait Olympe (de Gouge, bien sûr !).
Puis j’ai remis à chaque élève une fiche, au hasard de leur entrée en classe. Une grande table au milieu a accueilli les 10 délégués du Tiers État, et il y avait deux îlots pour les nobles et le clergé. Je sais, ce n’est pas la disposition de la salle des Menus Plaisirs, mais vous n’allez pas chipoter.
Et hop. Le discours du roi en vidéo avec un extrait tiré de « 1789 »**. Et ensuite je les ai laissé faire.

Plus vrais que nature

Je peux vous dire que je n’ai pas été déçue. Au bout de cinq minutes le Tiers-État réclamait le vote par tête. Au bout d’une heure l’Assemblée Nationale était créée. Je vous jure que je n’ai rien dit. Rien fait. Je les ai laissé faire. Discuter, s’engueuler (ils ont vachement bien joué leurs rôles), essayer de se convaincre. Certains nobles ont bien rejoint la salle du jeu de paume (la grand îlot du Tiers-État), et d’autre ont refusé catégoriquement de le faire. Comme en vrai.
Du coup, pour la séance suivante, j’ai continué le jeu. On a alterné des extraits vidéo et des moments de jeu. A la fin de la deuxième heure, des nobles et un archevêque avaient émigré (sur un autre îlot). Quelques un avaient été physiquement empêchés de le faire et étaient assis, alignés dans la prison, sous le tableau. Et on avait pris la Bastille, aboli les privilèges et rédigé la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

Du coup, on a continué plusieurs séances. Quand ils ne pouvaient pas inventer, on étudiait des documents (textes, iconographie, extraits vidéo) et on reprenait le jeu de rôle ensuite. Quand il a fallu arrêter le roi, j’ai joué Louis XVI. Et ils ont eu du mal à me poser la main dessus pour m’empêcher de rejoindre la table des émigrés. Parce que le prof, c’est comme le roi, un intouchable.

À la fin, on a vérifié sur un site si leur personnage avait survécu à la révolution en consultant la liste des guillotinés***…

Bref, j’ai adoré. Et visiblement eux aussi.

Bilan

Bon, mais se faire plaisir, c’est bien mais c’est quand même pas tout. Faut quand même apprendre des choses à l’école ! Quand j’ai fait l’évaluation sur ce chapitre, j’ai compris que j’avais gagné. Parce que tous, je dis bien tous, maîtrisaient parfaitement la chronologie des événements et pouvaient en expliquer les causes et les conséquences.
Et quand on a abordé les chapitres suivants, ils étaient tous capable d’avoir un avis sur les événements politiques et sociaux du XIXe siècle, en s’appuyant sur l’expérience de leur personnage révolutionnaire. Ils avaient aussi compris que les appartenances sociales ne suffisaient pas à expliquer les choses, et que les représentations nationales pouvaient parfois se faire déborder par la rue.

Alors, je me dis que j’ai, cette fois là, bien fait mon boulot de prof.

Sauf que….

Sauf que je ne sais pas si j’oserai refaire ça. Ce qui a si bien marché cette année, avec ces élèves là, ne fonctionnera sans doute pas de la même façon l’année prochaine. Ce sera peut être mieux, peut être moins bien. De toute façon, ce sera différent. Est ce que j’oserai encore me lancer dans cette aventure ?

* Base de données des députés français depuis 1789 – Base Sycomore
** 1789 : Les années lumière, un film de Robert Enrico.
*** Avez-vous eu un ancêtre guillotiné ?

 

 

 

 

 

 

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