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Tacles, TIC et toc !

C’est quoi ce titre qui ne veut rien dire ? On ne sait même pas de quoi le billet va parler ! Tant pis pour vous, vous allez être obligés de le lire.
(Pour les Keskelledit qui vont encore faire des remarques désobligeantes, j’ai ajouté (exprès pour eux !) un lexique en bas de page pour les mots suivis d’une astérisque.)

Le tacle….

Il se trouve que j’ai été invitée par un « Observatoire » (vous savez, ces trucs qui font des études sur des sujets de société) pour parler avec d’autres enseignants des usages des TIC* à l’école, avec comme sujet « guest star » le TNI*. On devait être une douzaine d’enseignants, dans des canapés autour d’une table avec des jus de fruits et des petits fours. L’accueil a été chaleureux, l’écoute attentive, les fauteuils confortables. Rien à dire sur ce point là.
Côté panel : des enseignants du primaire et du secondaire, principalement des femmes.
Côté tranches d’âge : de tout. Depuis la jeune collègue qui venait de commencer sa première année, à deux collègues (dont moi) qui accusaient leurs 25 ans de boutique.

Début classique par un tour de table de présentation : prénom, établissement d’exercice et comment on utilise le numérique dans nos classes. J’ai réussi à ne pas rire quand j’ai entendu (texto) : « Moi j’utilise un logiciel, je ne sais pas si vous connaissez, ça s’appelle PowerPoint ».

Plus sérieusement, ils ont cité les manuels numériques, les traitements de texte, les ENT* et internet pour faire des recherches, enfin tout ce qu’on retrouve dans le rapport de la DEPP sur les usages du numérique à l’école. Ils ont souligné la fracture entre un lycée numérique des Hauts de Seine et une école primaire mal dotée en matériel. Et aussi le défaut criant de maintenance, porté sur les seules épaules de « personnes ressources », ces profs qui entretiennent les parcs informatiques des établissements en heures supplémentaires. (Imaginez la même chose dans une entreprise privée. Un peu comme si les caissières de votre supermarché préféré, après leurs journées de boulot, s’occupaient du réseau informatique du magasin, transbahutaient les bécanes, appelaient le SAV pour avoir des cartouches d’encre, démontaient l’ordinateur de leur gérant pour lui remettre un peu de RAM, et expliquaient à leur chef de rayon comment installer la dernière version du logiciel de gestion de stock…)
Il y a eu aussi bien sûr l’incontournable évocation de l’échange de mails (doit-on ou non donner son adresse mail à ses élèves ?) et l’invasion de Facebook (c’est mal !)

Le tacle….

Au fur et à mesure que la discussion avançait, j’ai senti comme une absence.
Je me disais que forcément à un moment on allait en parler. Que quelqu’un prononcerait au moins LE mot.
Et c’est là, pendant ces deux heures, que j’ai pris conscience de ce que pouvait signifier la phrase qu’on m’oppose souvent quand je parle de l’usage du numérique en classe (en général d’ailleurs pour balayer mes arguments) : « Oui, mais toi, t’es un cas spécial ».

Je suis un cas spécial parce que quand j’en arrive à penser « TICE », c’est parce que j’ai d’abord pensé « Programmes » puis « Élève », puis « Pédagogie »…. et qu’en suite je pense « outil » et que je cherche ce qui va me permettre de réussir la quadrature de ce cercle imparfait, avec les moyens techniques dont je dispose.

Je suis un cas spécial parce que j’ai enseigné pendant quinze ans dans une salle de classe que j’avais fini par organiser à mon idée : vingt-huit ordinateurs portables et un réseau wi-fi*, un vidéo-projecteur et un TNI e-beam (moins encombrant et moins coûteux), un vieux rétroprojecteur, une bibliothèque bien fournie, du papier, des crayons de couleur, des maquettes, des cartes, des plans…. (Je vous rassure, je suis depuis redevenue TZR et j’ai trois salles différentes pour faire cours, dont une seule reliée à un internet arthritique…)

Tout ça n’était pas tombé du ciel.
Le matériel informatique, il avait fallu en faire la demande auprès du Conseil Général, appuyé sur un projet pédagogique précis. Et quand j’avais rencontré le responsable du CG venu faire un tour dans nos locaux, il m’avait dit : « Ça fait plaisir de voir que le matériel qu’on donne est utilisé à bon escient. Je visite tellement d’établissements dans lesquels les PC sont encore dans leur emballage. Qu’est ce qu’il vous faut encore ? Je vous le donne ! ». J’avais répondu : « Rien ».

Les TIC

Donc, dans cette réunion d’enseignants, quand mon tour est venu de parler, j’ai répondu que j’étais bien incapable de dire de quels outils je me servais parce que ce n’était pas ma première préoccupation et que je prenais l’outil que je trouvais en fonction du projet pédagogique que j’avais. J’ai cité dans le désordre les Google Earth, Etherpad, Freemind, les blogs, les bases Joconde et Mérimée, Wikipédia, YouTube et Dailymotion, Calaméo, Google Docs, Prezi, Open Office, Gimp, des SIG, Netvibes, Audacity*…..
À voir la tête des gens autour de moi (sauf l’animateur, qui lui avait l’air de comprendre) j’ai réalisé que j’aurais pu parler en kalmouke.
Ce n’était pas tellement la débauche de vocabulaire qui les dérangeaient (bon OK, si un peu, puisque certains ne savaient pas faire la différence entre Windows Vista et Microsoft Office… ).  C’était surtout la grammaire.

L’idée de placer la pédagogie avant l’outil leur semblait incongru. Comme si j’avais mis la charrue avant les bœufs. On a des outils, et donc on les utilise, non ?

Cela dit, je comprends leur incompréhension.
Les expérimentations nationales qui sont lancées en ce moment (par exemple celle des manuels numériques) ne sont pas de mauvaises choses en soi. On donne aux enseignants des « bœufs » numériques pour tirer leur charrette pédagogique. Alors, il attèlent leur vieille charrette à leurs nouveaux bœufs et « en route la voiture Simone ! » (comme dirait une jeune demoiselle dont la maman lira sûrement ces lignes et qui se reconnaîtra). Au début c’est pas facile à conduire comme attelage, mais avec une petite explication formation, ça finit par marcher.
Par ailleurs, les collectivités territoriales ont doté les établissements parfois de façon spectaculaires. C’est leur rôle à jouer dans la grande opération de l’entrée du numérique à l’école. Des TNI, des vidéoprojecteur, des charriots mobiles pleins de PC portables ont fait leurs entrée dans les établissement scolaires entièrement câblés avec accès à Internet dans toutes les salles. (Enfin surtout dans les collèges et les lycées. Les communes sont moins riches et il y a moins d’ordinateurs dans les écoles pour une simple raison d’échelle.)

Donc, les outils existent. Ou vont bientôt exister.
Et, ne vous en déplaise, il y a des « formations ». Une journée pour apprendre à se servir d’un TNI et de son logiciel intégré, pour utiliser le vidéproj’, pour utiliser l’ENT.
Des formations aux outils.
Jamais de formation aux usages. Ou alors uniquement sur la base du volontariat dans le cadre des Plans Académiques de Formation.

Cela dit, comme on a donné des TIC aux enseignants, ils les utilisent parce que ce sont des gens consciencieux et qu’ils n’aimeraient pas que l’argent du contribuable soit dépensé en pure perte.

Et toc !

Donc, je suis « un cas ».
Parce que j’utilise les TIC en fonction de mes besoins pédagogiques (enfin surtout pour les besoins pédagogiques de mes élèves), me voila classée parmi les profs « technophiles »,  ceux qui sont plus intéressés par les tuyaux que par leurs contenus, sans doute parce que je suis née avec. C’est sympa, ça me rajeunit d’un coup de passer de la génération de ceux qui ont appris à écrire à l’encre violette et à la plume sergent-major (je vous assure, c’est vrai en plus !) à celle des Digital Natives.

Si c’est ça être « un cas », finalement, ça me rassure parce que  je suis loin d’être la seule. Tous ces outils que j’utilise, je les ai pas trouvés dans la bannette du chat. Je les ai trouvés auprès de gens divers et variés, des « techos* purs », des profs pionniers, les collègues québécois (et même au Nunavut !), des copains gameurs*, des élèves, des sites internets collaboratifs ou pas. Je n’invente rien, même si je garde ma curiosité en éveil. Et je ne travaille jamais seule.

Donc, je crois que je vais continuer à être « un cas », avec chevillée au corps la conviction : « Soyons pédagogues and the rest  will follow… »
Et toc !

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*TIC : Technologies de l’Information et de la Communication. On peut trouver aussi TICE (quand les TIC s’appliquent à l’Éducation) ou TUIC (un acronyme qui a du mal à prendre pour Techniques Usuelles de l’Information et de la Communication). A na pas confondre avec les Transports Inter Communaux ou le très sérieux Travel Insurance Coordinators Canadien.

*TNI : Tableau Numérique Interactif, aussi parfois appelé TBI (Tableau Blanc Interactif). A ce sujet, et si vous voulez tout savoir sur le sujet (et en plus vous payer une bonne tranche de rigolade), je vous conseille la lecture de l’excellent billet de mon camarade Ticeman. Je suis juste un peu dégoutée de ne pas l’avoir écrit moi même.

* ENT : Espace Numérique de Travail

*Wi-fi : Je sais que vous savez ce que c’est le wi-fi.  C’est juste que je voulais rendre hommage à mon ami José, auxiliaire d’enseignement embauché pour la maintenance informatique, qui est arrivé un mardi midi dans ma classe avec une perceuse monstrueuse en me disant : « Je vais faire un trou dans le carrelage et à 13h30 t’auras internet dans ta salle ! » Le pire c’est qu’il l’a fait !

*Pour les noms de sites et de logiciel, Google, Yahoo et  Wikipédia sont vos amis….

* Techos : technicien. Genre maigrichon à lunettes qui mange des pizza devant un PC et qui vous regarde de haut parce que vous êtres incapable de faire la différence à l’odeur entre de la DDRam et de la SDRam.

*Gameur : version light du précédent. S’intéresse principalement aux performances de sa carte vidéo. Est surtout capable de vous refiler le nom du mec qui vend des plumes de phénix dans FFXIV et de vous raconter sa nuit de frags avec ses potes russes. Se nourrit aussi fréquemment de pizza. Il existe une version no-life du gameur, mais en général il est beaucoup moins maigrichon.

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