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Quel est votre secret ?

La rentrée scolaire est toujours un moment important, surtout quand c’est votre première rentrée. Vous vous rappelez peut-être de votre première année scolaire en tant qu’élève, la première rentrée de votre premier enfant vous a plongé dans l’inquiétude. Il est une expérience de rentrée qui est sans doute encore plus impressionnante : celle qui fait de vous, pour la première fois, un prof.

On ne naît pas prof

Aussi étrange que cela puisse paraître, on ne naît pas prof, on le devient (pour parodier à la fois cette très chère Simone et une campagne de protestation contre la disparition de la formation des enseignants voulue par Nicolas). Et quoi qu’on en pense, ce n’est ni le jour de la publication des résultats, ni le jour de la prérentrée des enseignants, ni même le jour de votre première paye que vous devenez prof. Vous devenez prof parce que vous avez devant vous des êtres humains en devenir qu’on vous présente comme étant des élèves. Ce sont eux qui feront de vous un prof.

Un bon prof

A quelques semaines de la rentrée, tous ceux qui deviendront profs en cette rentrée 2015 sont en ébullition. Je n’oublie pas tous les éléments matériels qui vont avec cette future métamorphose. Ils sont importants. Mais ce qui taraude la plupart de mes futurs nouveaux collègues est cette fameuse idée de l’autorité. C’est un lieu commun qu’ils ont lu, entendu, vu tellement souvent qu’ils en arrivent à ne plus penser qu’à cela : Comment asseoir mon autorité dès le début du cours afin de devenir un « bon » prof ?

Vous me connaissez un peu, vous savez que je ne vais pas vous donner la réponse (que je n’ai pas). Je voudrais seulement réfléchir un peu à ce que sous-tend cette fameuse notion d’autorité professorale, que certains politiques voudraient voir rétablir en classe.

Un prof c’est quoi ?

Pour commencer, regardons ce que c’est qu’une classe avec des élèves et un professeur.
Il existe plusieurs métaphores couramment utilisées. La métaphore du dispositif théâtral. Unité de temps, de lieu et d’action. Une heure de cours, une salle de classe, une séquence pédagogique. Dans ce théâtre, on jouerait une pièce d’un auteur extérieur au dispositif (l’auteur des programmes), le prof serait à la fois metteur en scène et acteur principal, les élèves seraient les spectateurs. Sauf que cette métaphore ne fonctionne pas. La salle de classe n’a pas vocation à être la scène d’un one-man-show. Et les élèves sont un public captif. Cerise sur le gâteau, pour les élèves, la pièce peut durer 8 heures d’affilée (même si il y a quelques entr’actes) et les actes n’ont que rarement de rapports les uns avec les autres. Même les pires performeurs n’oseraient pas proposer ce genre de production.

Autre métaphore souvent imaginée, même si elle est moins avouable, c’est celle du champ de bataille. Le prof / général-en-chef, à la tête de ses troupes, s’élance à l’assaut de la cote 128. Certains de ses troufions partiront la fleur au fusil et planteront leur oriflamme sur le but désigné : citation à l’ordre du mérite, médaille, montée en grade. Pour les autres, les déserteurs, les réfractaires, ceux qui auront refusé de monter au front : conseil de guerre, dégradation, relégation, déshonneur.

La pire à mes yeux est la métaphore de l’arène. Le prof / gladiateur face à quelques dizaines de fauves sauvages et indomptables. Selon qu’on s’imagine secutor, retiaire ou mirmillon, selon le choix des armes, l’issue du combat est sans équivoque : vaincre ou être vaincu. On ne compose pas avec les tigres. On les domine ou ils vous dévorent.

L’heure du choix

Pour la plupart de mes futurs collègues, le mois d’août va être celui du choix entre l’une ou l’autre de ces options. Parce qu’aucun n’a l’outrecuidance de se croire béni des dieux au point d’avoir hérité de la fameuse « autorité naturelle » dont ne disposent que certains élus ; saint Jérôme de la pédagogie, Alexandre des programmes, Cicéron des estrades…

Sauf que tout ça c’est du vent. Du flan. La légende dorée des tableaux noirs.

D’abord, l’autorité naturelle, ça n’existe pas. Mais c’est une histoire qu’on se raconte depuis tellement longtemps qu’on a fini par y croire. Un genre de dangereux croque-mitaine pour candidat.

Pour quoi faire en fait ?

Chers futurs collègues, quelle que soit la raison qui a fait de vous un prof, quelle que soit la représentation que vous ayez de votre futur métier, je vous en prie, oubliez cette histoire d’autorité.

Vos élèves sont encore des enfants, au sens juridique du terme. Votre rôle auprès d’eux sera de leur donner envie de grandir, de s’approprier le monde, d’en devenir des acteurs. Aucune autorité n’est nécessaire pour cela. L’enfant est par nature épistémophilique. Profitez-en. Soyez le moteur de cette envie.

La seule chose dont vous devez vous préoccuper en attendant cette rentrée des classes, c’est de la façon dont vous allez créer un environnement apte à développer cette envie. C’est ce qu’on appelle la pédagogie.

Quand vous pensez au mot « autorité », remplacez-le par « réciprocité ». Soyez l’adulte que vous aimeriez qu’ils deviennent. Soyez le modèle de respect que vous aimeriez qu’ils suivent. La réciprocité sera au rendez-vous, naturellement, aussi incroyable que cela paraisse. C’est ce respect mutuel dont vous aurez été l’initiateur qu’on peut éventuellement appeler « autorité ».

 

 

 

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