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Nouvelle recette !

Comme chaque année, en bonne cuisinière pédagogique, j’ai réfléchi à la mise en œuvre d’une nouvelle recette. En fait, elle n’est pas complètement nouvelle, ni vraiment originale. Comme les meilleures cuisines sont celles qui mélangent les influences, je m’efforce de faire la même chose dans ma classe. Chaque année, j’ajoute des ingrédients, piqués ça ou là dans des lectures, des rencontres*, des échanges, et j’essaie de faire une recette qui me plaise et dont je pense qu’elle sera la plus à même de faire progresser mes élèves. J’y passe une bonne partie de mon été (et je vous fais grâce de tous les essais qui partent à la poubelle), je finis pas trouver quelque chose d’à peu près satisfaisant que je vais adapter au fur et à mesure de sa mise en œuvre à partir du mois de septembre.

L’année dernière j’avais utilisé des plans de travail collectifs**. Cette année, j’ai décidé de passer aux plans de travail individuels par ceintures de compétences. Je vous explique comment ça fonctionne ?

Ingrédients

D’abord, j’ai repris la liste de neuf compétences décrites dans les programmes du cycle 4*** (« Comprendre un document », « Raisonner et justifier une démarche », « Se repérer dans le temps », « Se repérer dans l’espace », etc.), en trichant un peu parce que j’ai divisé l’expression orale en 2 compétences différentes, et j’ai essayé de les décliner de façon cohérente entre un niveau « basique » (la ceinture blanche) un peu en dessous de ce qui est attendu en début de 5e , un niveau attendu en fin de 3e (ceinture bleue) et des niveaux (jusqu’à la ceinture noire) pour les élèves qui seraient particulièrement brillants.

L’idée maîtresse est que les élèves vont s’entraîner à maîtriser ces compétences tout au long de l’année et dans les années qui vont suivre.
Sauf que…. il ne vous aura pas échappé que l’enseignement de l’histoire se fait de façon chronologique, et que je dois enseigner trois disciplines différentes (je sais, l’EMC c’est pas réservé à l’histoire/géo mais vous connaissez beaucoup de disciplines qui s’en chargent ?). Du coup il fallait adapter cet entraînement à ce type d’enseignement et donc trouver une façon d’organiser les choses qui soit claire et simple pour les élèves et pour moi. Un vrai challenge.

Donc, j’ai choisi de diviser les 3 heures de cours dont je dispose avec les élèves en 2h de « cours » (je mets des guillemets parce que c’est un mélange de classe inversée, de travaux de recherche, d’oraux, de rédaction, de moment « théâtralisés », de cartes mentales… bref, c’est pas exactement des cours dialogués traditionnels), et 1h d’entraînement qui est le cœur du dispositif.

Cuisson

Chaque élève a, dans son cahier, le tableau détaillé des compétences.

Au début de l’heure (souvent sur le seuil de la porte), je distribue à chaque élève un plan de travail individuel sur lequel j’ai indiqué les compétences et le niveau de compétences qu’il ou elle doit travailler. Ces plans de travail correspondent à une période de travail de 3 semaines environ.
Les élèves s’installent où ils le souhaitent dans la classe et choisissent la compétence qu’ils veulent commencer à travailler.

Ils vont chercher dans les classeurs à leur disposition la fiche d’exercice qui correspond à la compétences choisie.
Il y a deux sortes de fiches. Certaines portent sur un niveau de compétence précis et comportent plusieurs exercices différents, d’autres portent sur un sujet précis, mais décliné selon différent niveau de difficulté.

Quand un élève a fini un exercice, il le soumet à la correction.
S’il s’agit d’ exercices faits sur une fiche, il dépose cette fiche dans une boite. S’il s’agit d’exercices faits dans leurs cahier, il indique dans la marge à quelle compétence et à quelle ceinture cet exercice correspond pour que je puisse le repérer plus facilement. Il me laissera son cahier à la fin de l’heure.
Et bien sur, il va chercher un autre travail à faire !

Les élèves peuvent demander mon aide ou bien l’aide d’autres élèves en s’inscrivant au tableau. La formation au tutorat faite l’année dernière a été une bonne base pour mettre en œuvre ce dispositif qui fonctionne bien.

En fin de cuisson

À la fin de l’heure, je me retrouve donc devant une pile de cahiers (plein) et une boite remplie (vraiment remplie !) de fiches. Je corrige les cahiers dans la journée pour les rendre le plus vite possible.
Pour corriger les fiches, j’ai une semaine. Les fiches corrigées sont glissées dans la pochette avec le plan de travail et les élèves devront commencer par faire les corrections avant d’entamer un nouveau travail.

À la fin de la période de trois semaines, je fais le bilan de chacun des plans de travail, j’y ajoute un commentaire et je le transmets aux familles pour visa. Je récapitule les compétences travaillées et réussies dans un grand tableau qui est affiché dans la salle de cours. Je prépare ensuite les plans de travail pour la période suivante, en tenant compte de ce qui a été réussi ou pas pendant la période précédente. Lors de la seconde période, les élèves ont donc tous des plans de travail différent.
Et c’est reparti pour une période de trois semaines.

Résultat

Depuis deux mois que nous fonctionnons comme cela je peux déjà faire un petit bilan.

Avantages :
– La mise au travail est très rapide quand les élèves entrent en classe.
– Tous les élèves travaillent. Certains plus vite que d’autres, mais tous ont progressé.
– Les élèves reprennent leur travail pour l’améliorer avec une ténacité incroyable. Certains ont repris leur travail trois ou quatre fois pour réussir parfaitement. Ils finissent tous par réussir l’exercice qu’ils ont entrepris.
– Je suis disponible pour aider les élèves qui en ont besoin.
– Si je vois qu’un point pose problème à plusieurs élèves, je prends un groupe autour d’une table pour le travailler avec eux.
– Certains élèves dépassent les attendus de leur plan de travail.
– Les élèves sont conscients des efforts qu’il doivent faire pour réussir le niveau supérieur et sont très fiers de voir leurs progrès.
– Les élèves peuvent utiliser des documents portant sur des thèmes des chapitres précédents pour travailler leurs compétences. L’idée est qu’à la fin de l’année, ils n’aient pas complètement oublié ce qu’on avait fait au début !
– Je quitte le collège tard mais je ne ramène pas de copies à la maison.
– Les corrections ne sont pas monotones vu qu’il s’agit d’exercices différents.
– Pas de barème à faire. Ou c’est bon, ou pas. Si c’est bon, je valide l’entraînement pour la ceinture, si c’est pas bon  (ou incomplet, ou à améliorer…), je rends le travail pour correction.

Inconvénients :
– La création des fiches est un gros travail. Parce qu’il faut créer des fiches pour chaque thème de cours (histoire et géographie). Je le fais au fur et à mesure. (Et d’ailleurs, j’y retourne juste après avoir posté ce billet !)
– La gestion des fiches a été longue à devenir une routine. Faire la différence entre les plans de travail, les fiches d’exercices ; celles qu’on me rend, celles qu’on remet en place, ne pas oublier de mettre son nom sur les fiches, laisser son cahier à la fin du cours, faire signer le plan de travail terminé… tout ça c’est compliqué pour certains. Mais petit à petit les choses s’améliorent. Il ne reste aujourd’hui que quatre ou cinq élèves (que je n’avais pas l’an dernier) par classe que je dois accompagner au plus près sur ce point. L’autonomie, ça s’apprend.

Bref, les avantages c’est surtout pour les élèves, les inconvénients c’est surtout pour le prof !

La suite ?

Ces heures de travail sont des entraînements. Le coup de tampon sur leur plan de travail attestent de la réussite d’un exercice d’entraînement. Je prévois d’organiser très bientôt des évaluations « à la demande » : les élèves choisiront sur quel niveau de compétences ils souhaitent être évalués. On va organiser ça en novembre/décembre.

Je vous raconterai.

PS : S’il reste des fautes de frappe dans cet article (et il en reste sans doute) merci de me le faire remarquer gentiment pour que je corrige. 🙂

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* Un gros merci à Guillaume Caron qui m’a gentiment accueillie dans sa classe pendant une semaine.
** Dans ce billet là : Vous auriez la recette ?
*** Pour le cycle 3 aussi, histoire d’avoir un minimum de cohérence.

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