Vacances de prof

Ça m’apprendra à lire des livres de pédagogie pendant l’été. Me voila à nouveau lancée dans un truc. Comme je suis partageuse et que, en prime, vous allez pouvoir m’accompagner dans cette aventure, je vous en fait profiter. Enfin pour ceux qui ne sont pas en train de faire n’importe quoi à base de mers, de montagnes, de campagnes, de spritz* ou de n’importe quoi de ce genre là.
Je vous préviens c’est un billet un peu énervé. Énervé contre l’enseignante que j’ai pu être à mes débuts, énervée contre certains collègues qui n’ont rien compris à leur métier et qui empoisonnent l’existence des gens plus efficace qu’eux (ce qui représente finalement pas mal de monde).
J’espère donc que vous ne prendrez pas pour vous cet énervement. Sauf si vous êtes un troll parce que dans cette éventualité, vous pourrez bien évidement le prendre pour vous. Au centuple.

Fais tes devoirs !

L’aide au travail de l’élève est en train de devenir enfin un vrai sujet.
Bon doucement, c’est vrai.

On sait depuis longtemps que donner des devoirs aux élèves c’est un magnifique moyen de creuser les inégalités sociales. Entre Charlotte qui fait son devoir de maths avec son prof particulier et Jessica qui fait seule le même devoir de maths tout en donnant le biberon à son petit frère, vous avouerez qu’en terme d’inéquité on peut difficilement faire mieux. L’une aura 15 ou 16/20,  l’autre 8 ou 9/20 et vous savez déjà ce que je pense des notes et de la force destructrice du sentiment d’incompétence. Bref, je vous laisse imaginer les destins scolaires qui se dessinent.

Les gens qui n’ont rien compris (ou qui font semblant de ne pas comprendre) imaginent que la solution que je proposerais (moi et mes copains « pédagos ») c’est de ne pas donner de devoirs et donc de faire peser sur Charlotte et Jessica un autre menace : celle du célèbre nivô ki bésse.
Ne pas donner de devoirs c’est faire perdre à Charlotte ses « chances » d’excellence puisque je ne peux pas donner les même à Jessica. Et c’est une trahison de classe (je l’ai lu, ne riez pas !) puisqu’en faisant cela je dénie à Jessica toute chance d’intégrer Polytechnique ou Normale Sup’.

« Niveler par le bas » qu’ils appellent ça.
Ça n’a aucune réalité évidement. Il faudrait être particulièrement stupide pour imaginer faire un truc pareil. Mais quand je cherche cette expression dans mon moteur de recherche préféré, il m’annonce plus de 24.000 occurrences.
Ça me fatigue des fois, vous pouvez pas imaginer.

Ici et maintenant

Ce que je dis et que je répète maintenant depuis des lustres c’est que l’École n’a pas à externaliser la part la plus importante du travail de l’élève : son appropriation des savoirs et des compétences (qui ne sont, je le rappelle, que des savoirs en actions, mais là aussi on entend tellement d’âneries !).
Donc, l’apprentissage il doit se faire EN CLASSE. C’est quand même pas compliqué.

Si ?
Alors oui, je vous vois venir : « …gnagnagna …chronophage », « …gnagnagna …finir le programme », « …gnagnagna …inspection »
Gnagnagna vous-même !

Parce que vous pensez que les inspecteurs sont tous des imbéciles qui n’ont jamais vu un élève de leur vie ?
Parce que vous pensez vraiment que si vous « finissez le programme » sans que les élèves n’en ait retenu une miette ça vous dédouane ?
Parce que vous pensez qu’un savoir ça entre dans le crâne de quelqu’un en un clic ?
Oui, acquérir une connaissance ça prend du temps et on ne donne que rarement ce temps aux élève en classe.
C’est la part principale de leur « métier d’élève »  et vous leur demanderiez de faire ça chez eux ? Seuls ? Alors que c’est à ce moment là qu’ils auront le plus besoin de vous ?

Moi je veux que Charlotte ET Jessica elles apprennent, qu’elles comprennent, qu’elles intériorisent tout ce que je vais pouvoir leur apprendre.
Le programme. Et même plus que le programme. Parce que le programme c’est le SMIC. La base. Charlotte comme Jessica sont capable d’aller bien plus loin. Chacune à sa façon. Et c’est pour ça qu’on fait de la différenciation.

Apprendre c’est tout le temps

Bon, je vous ferai un billet sur le fonctionnement de la mémoire si vous voulez mais plus tard. Sachez juste que les neurosciences cognitives bousculent sérieusement la façon dont on a expliqué aux élèves comment apprendre. Bref pour faire court : dire aux élèves de prendre une semaine de révision en surlignant leurs cours, en lisant, relisant leurs leçons ou leurs fiches et en refaisant les exercices c’est juste les aider à se tirer une balle dans le pied.
Sauf si vous cherchez simplement à ce qu’ils soient capables de réussir un examen à la fin de la semaine. Alors là, oui, c’est efficace. Mais pour ce qui est d’utiliser ses connaissances et compétences pour être un citoyen éclairé, c’est mort.
Bref. Pour apprendre sur le long terme il faut faire l’effort de retrouver ce qu’on a appris. Et le faire de façon espacée. Souvent.
Pas de semaine de révision intensive pour ancrer les savoirs. Pas de fiches cartonnées.
Ça. Ne. Sert. À. Rien.

Les apprentissages doivent être des questionnements : qu’est ce que je sais ? Qu’est ce que je ne sais pas ? Et surtout ils ne doivent pas être massés.

J’ai donc cherché un truc pour que mes élèves apprennent, régulièrement, de façon espacée et que cela se fasse en classe.

Vous connaissez (sans doute sans le savoir) le principe des boites de Leitner. Il est utilisé dans de nombreuses applications d’apprentissage : moins on sait répondre à une question, plus il va falloir vous la poser souvent. Il y a d’excellents logiciels, en particulier en langues, qui fonctionnent sur ce principe.

Souvenirs, souvenirs

Il y a bientôt 15 ans de cela, j’avais la chance d’avoir une salle à moi, un conseil général (devenu départemental) qui soutenait les projets numériques et un chef au taquet. Entre autres outils, j’avais à ma disposition 28 PC portables à l’usage exclusif de mes élèves (parce que j’étais la seule enseignante à en voir vraiment l’utilité) et qui fonctionnaient parce que j’en assurais moi même la maintenance (comme celle du reste des équipement informatiques de l’établissement). Soit un PC par élève.
Ce temps là est révolu. Même si mon chef actuel est un homme charmant et très engagé, je n’ai plus de salle personnelle et je dois partager le matériel informatique. C’est pas grave, mais ça complique un peu les choses.

Donc, puisque le numérique me rend aujourd’hui les choses plus compliquées, je choisis de faire simple. Enfin, de me passer de ce qui me la complique. Dans le cas présent de me passer de matériel informatique.

J’ai donc décidé d’instaurer une routine de mémorisation en classe. Vous savez pendant ces quelques minutes du début d’heure pendant lesquelles vous devez en plus de faire l’appel, répondre à de nombreuses sollicitations (« Je peux aller à l’infirmerie ? » ; « j’ai oublié mon cahier ! » ; « Madame ! Kévin a pris ma place ! »….). Ces cinq ou dix minutes qui ne servent à rien. Je vais les utiliser à ça. Personne ne s’en apercevra.

Des élèves en binômes.
Trois boites*** : verte, orange/jaune, rouge.
Des cartes numérotées avec des questions dessus et une fiche pour garder en mémoire les numéro des cartes qui sont arrivées dans la boite verte.

Un mode d’emploi que voila.**

Depuis je fais des cartes avec des questions.
On les fait ensemble ?


* Comment as-tu su que je parlais de toi Philippe ?
** En plus vous allez me relire, me signaler les fautes de frappe et me servir de cobayes pour savoir si je suis claire !
[Edit] *** Un lecteur éclairé m’a fait l’excellente suggestion de remplacer les boites par une sorte de  tapis de jeu avec trois couleurs. Quelle bonne idée ! Merci !

 

5 Commentaires

Classé dans Élèves, énervée, neurosciences, pédagogie