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Auto-destruction

Un sondage réalisé par Opinion Way au printemps 2015 montrait que 66% des Français avaient une image positive des enseignants. Dans le même temps, des études internationales montraient que les enseignants avaient une image d’eux même beaucoup plus négative, puisqu’une enquête Tallis de 2014 montrait que les enseignants français étaient ceux qui se sentaient les plus dévalorisés par la société, à 95 % !

Manque de respect

Beaucoup d’enseignants se plaignent surtout de ne pas se sentir « respectés par l’institution ».
Ils oublient un peu vite que l’institution c’est … eux !
En 2015 il y avait 1 052 700 personnels dans l’éducation nationale dont 855 000 enseignants ! (et seulement 23 500 personnels dans l’administration rectorale et nationale).

Cela dit, sur ces deux points (le sentiment de manque de considération de l’institution et la dévalorisation sociétale), je vais finir par être d’accord avec eux.

Il faut dire que les enseignants maîtrisent à un niveau inégalé l’art dit de « la fourchette dans le pied »,  aussi appelé « art de donner des verges pour se faire battre ».

Un collègue avait publié il y a quelques temps dans son blog la liste des dix reproches qu’on faisait tout le temps aux enseignants et qu’ils ne supportaient plus d’entendre. Vous savez, les phrases du style de celle de tonton Michel, retraité de la SNCF, qui vous accueille chaque année au repas d’anniversaire de la grand-mère par un « Alors les profs ? Toujours en vacances ? » qui vous donne juste envie de lui faire avaler la boule de pétanque qu’il a à la main. Et le cochonnet.

Outre le fait que j’ai le plus grand respect pour les agents de la SNCF (sauf celui qui ne met pas assez de wagons au train de 17h50, celui là, je le hais !), je vais finir par me dire que tonton Michel, c’est normal qu’il le pense et le dise s’il entend et s’il lit la moitié de ce que j’entends et que je lis.

Les profs se plaignent tout le temps

Oui, c’est vrai, les profs se plaignent tout le temps. De leurs emploi du temps, de leurs élèves, du gouvernement, de leur ministre, des parents d’élèves, des programmes, de leur salaire, du « nivô ki baisse », de leurs collègues, de leurs inspecteurs, de leurs syndicats (sauf du leur quand ils en ont un), de leurs chefs, de leurs formations …

Vous allez me dire, Karima, qui bosse dans un hypermarché, elle se plaint aussi. De son emploi du temps en forme d’emmenthal, des clients qui gueulent quand ils ne pissent pas entre les rayons, du gouvernement qui n’augmente pas le SMIC, de la loi travail, de son chef de service, de son salaire (vu qu’elle ne touche que 60 % du SMIC), de Janine du rayon primeur qu’est jamais à l’heure (et même qu’elle doit accueillir le livreur à sa place), des syndicats (même si elle est pas syndiquée), du manque d’effectif qui fait qu’elle doit s’occuper maintenant du rayon « Biscuits apéros » en plus du rayon « Bébé » ….
La différence, c’est que Karima, elle a rarement le temps d’organiser son temps de travail pour tenir un blog. Du coup on l’entend moins. Et surtout, elle est pas dingue, elle a pas envie que son employeur tombe dessus, elle a une famille à nourrir.

J’ai pris l’exemple de Karima, mais j’aurais pu vous parler de Ludivine qui est conseillère dans une banque ou d’Amélie qui est infirmière aux soins intensifs. Ça n’y changerait rien sur le fond. Les enseignants ne se plaignent pas plus de leur métier que la moyenne des salariés français.

Sauf que se plaindre quand on est prof, c’est cool. Par exemple, se plaindre du travail et du comportement des élèves (et même dans certains cas, choisir un exemple croquignolet pour s’en faire une médaille du « prof qui a l’élève le plus abruti ») c’est hyper facile vu que l’élève ne peut pas se défendre et qu’on est certain d’avoir les rieurs avec soi. En prime, comme on est « seul maître à bord après Dieu (s’il existe) » dans sa classe, qui peut mettre votre parole en doute ? Et puis c’est tellement facile de se plaindre de la médiocrité ambiante quand on est soi-même un spécialiste. Un peu comme si je vous disais que ne pas savoir ce qu’est l’enveloppe de Snell d’une suite adaptée ni une surmartingale majorante c’est faire preuve d’une bêtise abyssale.

Bref, en matière de déploration, pour un prof, c’est trop fastoche d’être champion du monde.
Parce qu’en plus on vous écoute.
Les parents de vos élèves vous écoutent. Anciens élèves eux-même, ils ont un « vécu d’école ». Positif ou pas. Mais pour la plupart, ils savent le poids de la scolarité dans une vie d’adulte. Et ça les désespère toute cette médiocrité écolière. Ils aimeraient bien que leurs mômes réussissent leur scolarité alors plus vous vous plaignez, plus ils leur mettent la pression.

Et moins ça marche.

Et plus les profs se plaignent….

Etc.

Le corporatisme enseignant, c’est quelque chose !

Dans la bouche de tonton Marcel, entre la poire et le fromage, ça vous agace qu’on parle du corporatisme enseignant.
Ça devrait vous impressionner : un corporatisme à 800 000, c’est quand même une exceptionnelle marque de cohésion.
Ça vous agace parce que vous savez que c’est faux.

Notre grande maison est en réalité composée de centaines de micro-corporatismes.

Par niveau d’enseignement d’abord. Qui n’a jamais entendu une phrase du genre « Les profs de maternelle, à part changer les couches, hein … Alors que les profs de classe prépa, c’est quand même autre chose ! ». Alors oui, c’est autre chose, mais quand on vous dit ça, on sent qu’il y a une hiérarchie dans la dignité quand même….

Par discipline ensuite. Entre un prof de ballon et un prof de maths, c’est quand même pas pareil, hein. Et je ne vous parle même pas de Jean-Pierre qui est « dame du CDI ».

Par lieu d’exercice. C’est quand même plus noble d’être au Lycée Henri IV (même celui de Pézenas) que dans la cité scolaire Rosa Parks de Bondy. D’ailleurs, les profs de la cité scolaire n’ont bien souvent comme unique rêve que de la quitter.

Et puis il y a les profs qui ne sont pas profs à plein temps parce qu’ils sont par exemple chargés de former leurs collègues ou d’accompagner des projets culturels scolaires dans des musées, voire délégués syndicaux ! Ce sont des planqués, forcément puisqu’ils ne sont pas tous les jours devant leurs élèves.

Il y a le grade. Prof des écoles ou agrégé c’est quand même pas pareil question prestige. Et il y a aussi une subtile distinction selon la façon dont on l’a obtenu, ce grade. Devenir agrégé par liste d’aptitude c’est un peu comme avoir des palmes académiques d’occasion. On n’a même pas le droit d’être membre de la Société des Agrégés !

Il y a les différences d’échelons aussi. Ceux qui sont les plus avancés et donc les mieux payés sont toujours un peu coupables d’avoir usurpé leur salaire, grâce à des manœuvres indicibles ou par des activités horizontales que la morale réprouve.

Il y a aussi les guerres de tranchées pour l’attribution des heures supplémentaires, que tout le monde dénonce mais qu’on vient réclamer en loucedé dans le bureau du chef.

Et donc, tous ces micro-mondes de l’éducation nationale râlent publiquement les uns contre les autres :
– « Les élèves ne savent rien en entrant en 6e , on se demande ce que font les instits ! »
– « Vu la moyenne en maths de cette classe, c’est pas un prof qu’ils ont, c’est un bisounours ! »
– « Avec mon agrégation, je m’ennuie. Je n’ai aucun plaisir intellectuel à enseigner dans ce collège de REP+ »
– « J’aimerais bien être formateur/syndicaliste, comme ça je ne verrai plus les élèves et je serai grassement payé ! »
– « On se demande avec qui elle a couché pour avoir la hors classe ».
– « Pourquoi c’est toujours les mêmes qui ont des heures sup’ ? »

Et les parents de Kévin, quand ils lisent ça (tout ce qui est au-dessus est authentique et public), qu’est ce qu’ils pensent des profs à votre avis ?

Alors oui, je comprends que les enseignants se sentent dévalorisés.
Et j’ai une partie des noms des responsables.

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