Archives mensuelles : août 2012

Le plus beau métier du monde (1)

Enseigner, c’est pas un métier….

Vous qui me lisez et qui (pour certains) avez l’honneur et l’avantage d’être chargé de la formation de notre belle jeunesse, vous avez forcément vécu une fois dans votre vie (voire plusieurs fois, voire un nombre incalculable de fois) le dialogue suivant :
– « Ouh là ! Vous êtes prof ? C’est pas trop dur ? »
– « Non, j’adore mon métier et les gamins sont chouettes. »

À ce moment là, de façon presque invariable, votre interlocuteur vous répond :
« Ah oui, mais c’est parce que vous avez la vocation ! ».

En fait, ça ressemble plutôt à :
« VOUS avez LA vocation« .

Avec des majuscules. Moitié apitoyé, moitié impressionné. (Genre : la pauvre fille, elle est entrée dans une secte et elle ne le sait même pas. Et en plus ça ne se voit pas trop….. pour un peu j’aurais pu croire qu’elle était vendeuse en mercerie*).

À partir de là s’ensuit généralement une discussion (enfin le plus souvent un monologue) à base de jugements lapidaires sur (au choix) les gamins qui ne foutent rien, le niveau qui baisse, les programmes qui sont devenus stupides, les parents qui sont des boulets, l’administration qui nous torture, le gouvernement qui nous écrase…..

Je ne dis pas qu’il n’existe pas des gamins qui ne foutent rien et des parents d’élèves problématiques, mais que la plupart du temps, les avis du pédagogue auto-proclamé qui vous en parle à ce moment là sont juste un peu à l’emporte pièce (ou dénichés sur un blog de « spécialiste » au Figaro.)

O tempora ! O mores !

Comme auraient dit les copains de ma copine Delphine.

Donc, enseigner ne serait par une compétence professionnelle, mais une vocation.
Epikorkoi ?
Comme disaient les élèves de mon autre copine, Caroline.

Sans rire, vous vous rappelez de l’étymologie du mot « vocation » ?
Comment ça vous avez oublié, bande de cancres ? Delphiiiiine !

« Vocation », ça vient du verbe latin « vocare » qui signifie « appeler ». Plus exactement, ça vient du nom vocatio, -onis qui est l’« action d’appeler », « l’invitation ».
Vers 1200, c’est Dieu qui appelle.
Ensuite au XVe siècle, c’est la nature de chaque homme qui l’appelle vers tel ou telle destin.
Puis, parce qu’on n’est quand même pas des bêtes, « c’est l’inclination intérieure de chaque homme qui l’emporte irrévocablement (justement !) vers la religion, le mariage… »

Oups !

Et le pire est encore à venir !
Une vocation, c’est aussi la « destination individuelle de chaque être humain. »

Voila, tout est dit. Vous êtes prédestiné. Vous vous inclinez. Vous capitulez.
Et paf ! vous vous retrouvez dans une salle de classe avec Kévin parce que c’était écrit !

Le libre-arbitre c’est pas de la pâtée pour chat

Je sais, je vais décevoir mes nombreux admirateurs, mais je n’ai jamais eu la vocation. Disons qu’en ce qui me concerne, l’appétit est venu en mangeant. Ou plutôt en faisant ce métier qui me permettait de manger.
Et figurez vous que je ne suis pas la seule.
Bon, ok, tout le monde n’a pas avorté d’une belle carrière d’astrozoologiste** (spécialité Chelonii) comme cela a été mon cas…. D’ailleurs, puisqu’on en parle, quelle perte pour la science …!

Par contre, la soi-disant « vocation » des enseignants (ce bois dont on fait soi-disant les « bons » profs ) est sans doute un des lieux-communs les plus rebattus dans notre société.
C’est quand même paradoxal que 219 ans après avoir coupé la tête de Louis « Croix-Vé-Bâton » et avoir théoriquement aboli la société d’ordres dans la foulée, 107 ans après avoir séparé les Églises de l’État, on en soit encore là ?

Quant aux raisons qui ont motivé les enseignants à le devenir… on en parle la prochaine fois.
Promis.

———

*Pour tout savoir sur le « dress-code » des enseignants et ne pas avoir l’air d’un jambon (ou d’une quiche) le jour de la pré-rentrée c’est .
** Comment ça vous n’avez jamais lu Terry Pratchett ?

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